Seconde partie
François Morellet, Au diapason du monde, FLV - 2018
Il étudia également le phénomène de réfraction, c'est-à-dire la déviation d'un rayon lumineux quand il passe d'un milieu à un autre. Cependant il ne put élaborer la loi qui permet de calculer l'angle de réfraction.
Descartes René, Dioptrique [1637], in Discours de la méthode, Paris, Gallimard, 1991.
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C'est l'émergence des concepts de corps percevant et de propagation de la lumière au sein de l'histoire des idées. Mais c'est également et surtout une première approche rationnelle, préfigurant la science moderne, qui prête des causes, une nature matérielle à des phénomènes jusqu'à présent considérés comme transcendants, surnaturels, hors de portée de la Raison.
Retenons donc cette idée que cette vision antique de la lumière a évolué quelques siècles plus tard en une représentation physiologique de la perception.
Dès le 15e siècle Léonard de Vinci s'appliqua à observer l'action de la lumière sur les choses et tenta d'élucider le principe du pouvoir attractif des corps lumineux sur la vision. Selon lui, voir un corps lumineux et voir un corps solide éclairé par la lumière relevait de deux formes différentes d'attention. Face au corps lumineux, nous n'observons rien qui nous en révèle la texture, le volume, ni même le contour. Ce qui nous attire, c'est un certain éclat. Si la source est éloignée, nous voyons un point lumineux, si elle est proche, elle semble s'épancher dans l'espace qui l'entoure. Dans les deux cas, des « rayons » en émanent, se propageant en « ligne droite » dans l'espace heurtent les choses, impressionnent finalement notre œil.
Léonard de Vinci, Carnets, tomes 1 et 2 , Paris,Gallimard, 1942 (traduction de l'italien par Louise Servicen).
Retenons donc cette idée de la possibilité d'une approche rationnelle de la dimension sensible, voire émotionnelle, de la vision.
C'est l'astronome Allemand Johannes Kepler (1571-1630) qui est le premier à suggérer le rôle actif du cerveau dans la vision. Il énonce que nous voyons en somme à la fois avec les yeux et avec le cerveau. L'ensemble des connaissances de l'époque sera réuni dans un livre, Astronomia pars Optica, publié en 1604. Il est convaincu que la réception des images ne se fait pas par le cristallin tel qu'on le pensait à cette époque mais par la rétine. Kepler présume déjà que le cerveau est tout a fait capable de remettre à l'endroit l'image inversée qu'il reçoit. Il établit un parallèle entre l’œil et les effets de camera obscura.
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Retenons donc cette idée que cette vision antique de l'organicité de la vision commence à prendre une forme moderne, préfigurant la neurobiologie de la perception.
La Dioptrique de Descartes (1596-1650)Dans les deux premiers discours, intitulés « De la lumière » et « De la réfraction », il fait l'analogie entre les rayons lumineux et les trajectoires d'une balle envoyée par un joueur de paume. Il montre ainsi « comment se fait la réflexion – selon un angle toujours égal à celui qu'on nomme l'angle d'incidence » La Dioptrique consiste en dix discours de recherche nous précisant sa conception de la lumière de l’œil de la vision.
Dans l'extrait suivant, il compare la vision au bâton d'un aveugle.
« Ayant fait une brève description des parties de l’œil, je dirai particulièrement en quelle sorte se
fait la vision; et ensuite, ayant remarqué toutes les choses qui sont capables de la rendre plus parfaite, j'enseignerai comment elles y peuvent être ajoutées par les inventions que je décrirai.
Or , n'ayant ici autre occasion de parler de la lumière, que pour expliquer comment ses rayons entrent dans l’œil, et comment ils peuvent être détournés par les divers corps qu'ils rencontrent, il n'est pas besoin que j'entreprenne de dire au vrai quelle est sa nature […] Il vous est bien sans doute arrivé quelquefois, en marchant de nuit sans flambeau, par des lieux un peu difficiles, qu'il fallait vous aider d'un bâton pour vous conduire, et vous avez pour lors pu remarquer que vous sentiez, par l'entremise de ce bâton, les divers objets qui se rencontraient autour de vous, et même que vous pouviez distinguer s'il y avait des arbres, ou des pierres, ou du sable, ou de l'eau, ou de l'herbe, ou de la boue, ou quelque autre chose de semblable. Il est vrai que cette sorte de sentiment est un peu confuse et obscure, en ceux qui n'en ont pas un long usage; mais considérez-la en ceux qui, étant nés aveugles, s'en sont servis toute leur vie, et vous l'y trouverez si parfaite et si exacte, qu'on pourrait quasi dire qu'ils voient des mains, ou que leur bâton est l'organe de quelque sixième sens, qui leur a été donné au défaut de la vue. ».
Descartes René, Dioptrique [1637], in Discours de la méthode, Paris, Gallimard, 1991, p24.
C'est une approche finalement psychosensorielle de la lumière que Descartes nous représente ici. Il parvient à découpler le rôle du cerveau de celui de la lumière (à laquelle on peut par exemple substituer un bâton). Ce faisant il offre une représentation modernisée des « Simulacres » de Leucippe : la fonction de l’œil est de recevoir et transmettre, celle du cerveau d'interpréter. Descartes en vient ainsi à trouver une explication rationnelle de l'illusion et des erreurs d'interprétation. Il découple donc non seulement cerveau et lumière, mais aussi œil et cerveau, perception et interprétation.
Retenons donc cette idée d'une séparation nette entre perception et interprétation, ouvrant la possibilité de créer activement des illusions à dessein en se basant sur le fonctionnement du trio lumière-œil-cerveau.
S'ensuivent une série de découvertes scientifiques qui vont progressivement proposer des représentations de plus en plus éloignées de l'intuition humaine mais avérées par l'expérience.
Toutes permettront une approche de plus en plus fine des mécanismes physiques, optiques, physiologiques et psychologiques de la vision.
Il faut attendre Christian Huygens (1629-1695) pour que soit établie une théorie ondulatoire de la lumière. Il pense que l'Univers est empli de particules dont les mouvements oscillatoires se transmettent de proche en proche comme une onde qui apparaît à la surface de l'eau quand on y jette une pierre.
A la même époque Isaac Newton (1642-1727) contredit Huygens et impose une théorie corpusculaire qui ne permet pas encore d'interpréter le phénomène d'interférences lumineuses. Ces travaux sur la réflexion, la réfraction, la diffraction ne seront publiés que tardivement en 1704, dans le traité Opticks.
Selon Newton, la lumière est constituée de corpuscules soumis à l’action des forces Le rayon lumineux est pour Newton une quantité élémentaire de lumière que l’on peut isoler sans modifier les propriétés globales du faisceau.
La théorie ondulatoire se développe grâce au travaux de Thomas Young (1773-1829) et d 'Augustin Fresnel (1788-1827) : elle explique les phénomènes d'interférence et de diffraction.
Le modèle ondulatoire de la lumière se heurte a des difficultés pour notamment expliquer l'émission de la lumière par des corps chauds ou l'effet photoélectrique.
Max Planck (1858-1957) et Albert Einstein (1879-1955) expliquent ces phénomènes en considérant que la lumière est un flux de photons (corpuscules qui transportent un quantum d'énergie).
Cette conception de la lumière ouvre ensuite aux théories scientifique modernes — mécanique quantique, physique statistique et physique des particules. La question majeure fut de savoir si la lumière était de nature cinétique (ondulatoire) ou corpusculaire. Louis de Broglie démontre la compatibilité des deux modèles.
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Cet ensemble de représentations qui se sont succédées au cours de ces derniers siècles se sont toutes construites les unes à partir des précédentes ou des contemporaines grâce à l'héritage de la méthode scientifique issue des Lumières.
Si elles offrent un rapport au monde satisfaisant en termes de prédictivité et de vérifiabilité (les critères de la science selon Karl Popper, avec la réfutabilité), leur difficulté de conceptualisation les éloigne de l'expérience sensible, émotionnelle, immédiate du sujet (alors que les représentations antiques demeuraient directement intelligibles) : on ne déduit plus à partir de l'expérience immédiate du sujet, mais à partir d'expériences antérieures, lesquelles reposent sur d'autres et ainsi de suite. Mais pour peu que l'on fasse l'effort intellectuel d'intégrer ces représentations, on est surpris par deux choses : on continue d'une part à percevoir l'héritage antique de certaines représentations (construites sur l'expérience du sujet— d'ailleurs le vocabulaire de la physique est emprunté à un champ lexical plus quotidien) mais, en retour, on accède à une plus grande acuité dans son expérience sensible immédiate : l'espace prend de l'épaisseur, la lumière de l'intensité, la vision du sens.
Ainsi, pour faire synthèse, considérons ces représentations de la vision, de l’œil, de la lumière, de la perception qui depuis l'Antiquité se sont succédées, parfois en s'opposant, parfois en s'enrichissant. Elles dessinent les contours de la manière dont le sujet appréhende ces phénomènes :
Il entretient avec la lumière un rapport organique. Il la conçoit dans sa matérialité (par exemple en ressentant sa chaleur) mais peut lui prêter parfois un rôle plus transcendant (rappelons-nous le rôle de la lumière dans la peinture religieuse). Il peut même envisager, comme Aristote, la plénitude du monde révélée par les effets de la lumière. Si la science en offre dans un premier temps une image loin de l'intuition et de l'expérience, l'initiation sensorielle et intellectuelle qu'elle permet offre dans un second temps une plus grande acuité sur ces phénomènes. C'est ainsi que l'espace, la lumière et la matière semblent participer de la même substance, en des états différents. C'est ainsi que l'expérience sensible de la vision, même comprise en tant que mécanisme biologique, amplifie contre toute attente l'émerveillement lié à la perception.
Science, art et intuitions participent somme toute du même mouvement de l'esprit vers le monde matériel et sensible. Si les modalités de chacun changent, les uns enrichissent les autres par leur singularité.
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J'aimais pénétrer accompagnée par la lumière de manière enfantine, les intrigants rideaux de fils plastiques multicolores. Ces drôles de lanières plates et colorées parent de nombreuses portes d' habitations méditerranéennes, barrant ainsi l'accès aux insectes et aux rayons brûlants du soleil.
Ces passages, je leur portais un vif intérêt mais ce qui me fascinait, plus encore, c'était le découpage géométrique, créé par les rayons lumineux se propageant dans la pièce.
(Souvenir d'enfance)
Pour retrouver la Partie 1
https://steemit.com/fr/@fatin-a-rts/les-mysteres-de-la-vision-et-de-la-lumiere-premiere-partie
Articles précédents sur la thématique de la lumière
https://steemit.com/fr/@fatin-a-rts/une-substance-etheree
https://steemit.com/fr/@fatin-a-rts/little-sun-de-la-lumiere-pour-tous